Une cuisine ne pourrait-elle pas tirer le portrait d’une personnalité plus que d’une culture ? Pierre Gagnaire et Chilly Gonzales relèvent le défi et travaillent à quatre mains pour nous offrir un livre mélodieux et culinaire.
Portrait fugitif des auteurs :
Pierre Gagnaire, la mèche grisonnante, a l’allure bohême; son air rêveur ne contrarie pas le rythme de vie qu’il a acquis. Amateur de jazz « gamin je passais mon temps à dessiner des guitares », il ne cache pas ses talents de musicien et prêterais bien ses mains à un piano mais celles ci se portent mieux aux fourneaux.
Héritier d’un père restaurateur, il s’impose comme chef stéphanois triple étoilé dans sa région natale; mais souffrant d’une sinistrose économique, il préféra s’épanouir sous les lumières de la capitale rue Balzac, qui sera le théâtre de sa créativité, « un danger peut guetter le jazz comme il peut guetter la cuisine » . Les tables s’accumulent et conquissent le monde de Las Vegas à Séoul. Le chef cuisinier séduit en pratiquant un art culinaire qui lui est propre. Souvent traité « d’iconoclaste », cet innovateur des temps modernes préfère se considérer comme un artisan plutôt que comme un artiste.
"Sous prétexte de créativité, on en rajoute, on conceptualise, on en oublie le swing, on oublie de toucher au coeur, pour ne plus parler qu'à l'intellect"
Nourri au jazz et gavé de classicisme, le montréalais anglophone échevelé Chilly Gonzales ne sait plus se tenir; entre les caves berlinoises et son somptueux appartement parisien, Gonzo multiplie ses menus avec un certain appétit. Croquant à tout va, il signe les disques de Jane Birkin , Feist ou encore les Peaches.
Se promenant un soir en pantoufle, le dadaïste pianiste campe au théâtre de Paris pour y battre le record mondial du concert solo le plus long du monde, en bonnet de nuit et pyjama. Virtuose et gourmand il sale ses albums et confond tous les genres : « soft power » pop déjanté , « solo piano » solo de piano ou encore « Ivory tower » électro à la Gonzo. Il prête volontiers ses mains au film « Gainsbourg, vie héroïque » de Joann staff, conte de fée au nez ample, retraçant comme son nom l’indique la vie de Serge Gainsbourg.
Toujours en robe de chambre, le chanteur accueille Pierre dans son duplex, et y apporte quelques vivres. « Il est encore tôt, ça te fait plaisir si je bricole quelque chose avec un fruit ? » Peut-être est-ce la photo des Bee Gees accrochée au mur ou la tenue du ténor, le cuisinier se hâte à la tâche : il taille à vif la pulpe d’un pamplemousse saupoudré de gingembre , cuit légèrement avec un émincé de poivron. Tandis que Gonzo se lance au piano, le cuistot poursuit son raisonnement, et trouve l’histoire de ses recettes. Cette robe de chambre l’a inspiré, « il n’a pas le même rythme de vie que nous » dit-il, une occasion pour imaginer des menus retraçant l’emploie du temps d’un artiste. Le livre se décomposera donc en plusieurs parties : 11 h 14h le réveil de l’artiste , 15h 19h coupe faim avant d’entrer sur scène, 00h souper dîner, 01h 06h l’après spectacle. De son côté le musicien a le temps de mettre les pieds sous la table pour déguster "un effeuillé de lieu cuit sur un gratin de reinettes au calvados" ou encore "sommités de chou fleur et romanesco à l’ananas, fleurs de brocoli ", et décide de faire le portrait de Pierre avec son piano.
Un an après leur repas, Gonzales compose un album à 13 titres, « Bande originale », qui est le prolongement de l’album « solo piano ». L'album nous emmène dans un palace 3 étoiles, où le piano avec ses airs stridents, nous rappelle la rigueur d’une équipe de travail contrainte de répéter ses thèmes. Le synthé est au cœur de cet album, et semble aussi bien suggérer l’hésitation des gestes, la fragilité des émotions que le crescendo des mouvements. Cette œuvre nous raconte dans leur mode d’expression respectif, l’histoire d’un tête-à-tête sur le tempo d’un repas.
* Bonus track et la recette préféré à Jean :
Granité de dorade, citron vert, rhum blanc, eau de coco
ingrédients :
2 filets de dorade de 300g sans la peau
1citron vert non traité
10cl d'eau de coco
1 cuil. à soupe de rhum blanc
1 cuil. àsoupe de baie de rose
1 une mangue verte
1 pot de fjord
sel, poivre blanc du moulin
Découper les filets de dorade en petits cubes réguliers, les placer dans un bol. Râper dessus la peau du citron, presser le jus. Ajouter l'eau de coco, le rhum blanc et les baie roses. Assaisonner, mélanger délicatement et placer le tout 2h au congélateur.Mélanger régulièrement afin que la préparation acquière sa texture de granité.Découper la mangue verte en brunoise . Étaler le fjord dans les assiettes, déposer un peu de granité de dorade, répartir la brunoise de mangue , poivrer. Servir aussitôt avec des tranches de pain de campagne grillées
Friendly Yours
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Bon Appétit
Jean jean
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